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En cas de faute la banque perd son droit à la restitution du capital du crédit affecté

Le 06 janvier 2020
En cas de libération fautive du capital emprunté au titre d'un crédit affecté annulé corrélativement au contrat principal, la banque peut dans certains cas se voir priver du droit de réclamer le remboursement dudit capital à l'emprunteur.

L'article L 312-55 du Code de la consommation dispose :


« En cas de contestation sur l'exécution du contrat principal, le tribunal peut, jusqu'à la solution du litige, suspendre l'exécution du contrat de crédit. Celui-ci est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.


Les dispositions du premier alinéa ne sont applicables que si le prêteur est intervenu à l'instance ou s'il a été mis en cause par le vendeur ou l'emprunteur ».


En d'autres termes, lorsqu'une vente ou une prestation de service est annulée par un Juge, le crédit affecté (servant exclusivement à financer un contrat relatif à la fourniture de biens particuliers ou la prestation de services particuliers) ayant permis le financement de l'opération annulée est également nul, de plein droit (sous réserve que le prêteur ait été cité à l'instance).


En principe, et contrairement à une idée largement répandue, la nullité d'un contrat de crédit ne dispense pas l'emprunteur de tout paiement ; en effet, celui-ci doit procéder au remboursement du capital emprunté.


Cependant, il en est autrement en cas de faute de l'établissement bancaire, notamment lors de la libération des fonds.


La première chambre civile de la Cour de cassation a ainsi jugé :


« Attendu, selon l'arrêt attaqué (Limoges, 14 juin 2018), que, le 2 mai 2012, M. T... (l'emprunteur) a acquis de la société Soelia Rhône Alpes (le vendeur) une installation photovoltaïque financée par la société Sofemo, aux droits de laquelle vient la société Cofidis (le prêteur) ; que l'emprunteur a assigné le vendeur et le prêteur aux fins de voir ordonner la nullité de la vente et celle du contrat de crédit, ou subsidiairement leur résolution, et en indemnisation ; que, le vendeur ayant été placé en liquidation judiciaire, l'emprunteur a assigné en intervention forcée M. U..., en sa qualité de mandataire judiciaire chargé de la liquidation ;


Attendu que le prêteur fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en restitution par l'emprunteur du capital prêté, alors, selon le moyen, que l'emprunteur qui détermine l'établissement de crédit à verser les fonds au prestataire de service au vu de la signature par lui du certificat de fin de travaux, n'est pas recevable à soutenir ensuite, au détriment du prêteur, que la prestation de service n'a pas été exécutée ; qu'en imputant une faute au prêteur pour avoir débloqué les fonds au profit du vendeur sur la base d'un document non « suffisamment précis pour rendre compte de la complexité de l'opération financée et du bon fonctionnement de l'installation », quand elle constatait que l'emprunteur avait signé le 22 juin 2012 une "attestation de livraison, demande de financement", non arguée de faux, dépourvue de réserves et non équivoque, aux termes de laquelle il affirmait que le bien lui avait été livré et les prestations pleinement réalisées, et que le prêteur n'a pas l'obligation de vérifier le bon fonctionnement de l'installation qu'il finance, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble l'article L. 311-32 et L. 311-33 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 ;


Mais attendu que l'arrêt relève que le prêteur a libéré le capital emprunté au vu d'un document signé par l'emprunteur, qui ne fait pas état de la nature du matériel vendu ni des travaux et prestations, et n'est pas suffisamment précis pour rendre compte de la complexité de l'opération financée et du fonctionnement de l'installation vendue ; que, de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu déduire l'existence d'une faute commise par le prêteur dans la libération des fonds ; que le moyen n'est pas fondé ;


PAR CES MOTIFS

:
REJETTE le pourvoi ; ».

(Cass. 1ère Civ., 14 novembre 2019, pourvoi n°18-20459)


La Cour de cassation a donc estimé que le fait pour la banque d'avoir libéré les fonds prêtés sur présentation d'un document imprécis, fût-il signé de l'emprunteur, était de nature à la priver de sa créance de restitution, soit le remboursement du capital emprunté.

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