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Cautionnement par un dirigeant des engagements de sa société et surendettement

Le 06 juillet 2019

L'article L 330-1 ancien du Code de la consommation dispose :


« La situation de surendettement des personnes physiques est caractérisée par l'impossibilité manifeste pour le débiteur de bonne foi de faire face à l'ensemble de ses dettes non professionnelles exigibles et à échoir. L'impossibilité manifeste pour une personne physique de bonne foi de faire face à l'engagement qu'elle a donné de cautionner ou d'acquitter solidairement la dette d'un entrepreneur individuel ou d'une société caractérise également une situation de surendettement. Le seul fait d'être propriétaire de sa résidence principale et que la valeur estimée de celle-ci à la date du dépôt du dossier de surendettement soit égale ou supérieure au montant de l'ensemble des dettes non professionnelles exigibles et à échoir ne peut être tenu comme empêchant que la situation de surendettement soit caractérisée ».


L'article L 711-1 du Code de la consommation, désormais applicable, reprend quasiment les mêmes termes.


Il est donc constant que l'appréciation de la situation de surendettement d'un particulier ne tient pas compte des dettes professionnelles du débiteur (soit la personne physique qui sollicite le bénéfice des mesures relatives au surendettement des particuliers).


Dès lors, les dettes résultant d'un engagement de caution souscrit en garantie des engagements d'une société dirigée par la caution doivent-elles être considérées comme des dettes professionnelles (et dont il ne serait pas tenu compte quant à l'appréciation de la situation de surendettement) ?


Le Tribunal d'instance de Versailles a considéré, dans un jugement du 16 mars 2018, qu'une décision d’irrecevabilité d'une demande de surendettement devait être approuvée dans la mesure en ce que «  la majeure partie des dettes de M. V... sont professionnelles dès lors que celui-ci a été dirigeant de droit ou de fait de plusieurs sociétés et a été amené à donner sa caution pour les besoins ou à l'occasion de l'activité de ces sociétés, à laquelle, en sa qualité de dirigeant de droit ou de fait, il était personnellement intéressé ».


Ce faisant, le Tribunal s'est manifestement inspiré d'un critère régulièrement utilisé pour apprécier le caractère civil ou commercial d'un cautionnement (lequel caractère peut notamment avoir une incidence sur la juridiction compétente pour connaître d'une demande en paiement dirigée contre la caution).


Or l'article précité prévoit que :


«  l'impossibilité manifeste pour une personne physique de bonne foi de faire face à l'engagement qu'elle a donné de cautionner ou d'acquitter solidairement la dette d'un entrepreneur individuel ou d'une société caractérise également une situation de surendettement ».


Si une dette résultant du cautionnement d'une dette « professionnelle » est expressément prévue comme devant être prise en compte pour apprécier la situation de surendettement, le Tribunal d'instance de Versailles a donc semblé estimer que la « commercialité » du cautionnement était de nature à en faire une dette professionnelle, insusceptible d'entrer en compte pour l'appréciation de la situation de surendettement.


Le débiteur a formé un pourvoi en cassation contre cette décision.


La 2ème chambre civile de la Cour de cassation a cassé le jugement du premier juge, estimant que :


« caractérise une situation de surendettement l'impossibilité manifeste pour une personne physique de bonne foi de faire face à l'engagement qu'elle a donné de cautionner la dette d'une société, qu'elle en soit ou non la dirigeante ».

Au cas d'espèce, la Cour considère donc :


« pour confirmer la décision de la commission de surendettement en ce qu'elle a déclaré irrecevable la demande, le juge du tribunal d'instance retient que la majeure partie des dettes de M. V... sont professionnelles dès lors que celui-ci a été dirigeant de droit ou de fait de plusieurs sociétés et a été amené à donner sa caution pour les besoins ou à l'occasion de l'activité de ces sociétés, à laquelle, en sa qualité de dirigeant de droit ou de fait, il était personnellement intéressé ;


Qu'en statuant ainsi, le juge du tribunal d'instance a violé le texte susvisé ».


(2ème Civ. 6 juin 2019, pourvoi n°18-16228)


En d'autres termes, les dettes résultant pour un dirigeant des cautionnements pris en garantie des engagements de la société qu'il dirige ne sont pas des dettes professionnelles, du moins au sens des dispositions relatives au traitement des situations de surendettement des particuliers.

Elles doivent donc être prise en compte par les commissions de surendettement appelées à se prononcer sur la recevabilité d'une demande de surendettement.